Le père Raymong Jung, spiritain, trace un portrait spirituel de Claude Poullart des Places, à partir de quelques étapes de sa vie. Comme un appel à une vie plus conforme à l’Évangile.
Poullart des Places n’est pas devenu fondateur du jour au lendemain, ni à la suite d’une stratégie préconçue, mais à travers un long travail intérieur pour s’ouvrir à la grâce de son appel. Ce qui sera décisif et fera tomber toutes les barrières : la révélation de l’amour de Dieu pour lui.
Au cours d’une retraite en 1701, il relit sa vie et prend conscience de cet amour à l’oeuvre depuis longtemps, comme une grâce totalement gratuite, qui jamais ne le lâche. Alors toutes ses défenses tombent. Il consent enfin à l’appel du Seigneur, comme on se laisse emporter par un courant bienfaisant. Sous ce regard plein d’amour pour lui, il peut se regarder lui-même tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Il arrive à nommer ce qui se cache derrière ses réactions et décisions : « l’ambition, l’amour de la gloire et du succès, la vanité ». Il touche le réel de sa vie et pourra bâtir sur ce terrain-là, car c’est du roc.
À partir de cette expérience, il va faire preuve d’une remarquable fidélité à l’appel entendu. Il quitte sa famille et Rennes pour étudier la théologie à Louis-le-Grand, à Paris. Durant la première année, l’AA (Assemblée des Amis) (1) dont il devient membre va entretenir son désir de se donner à Dieu et lui proposera un service des pauvres. La lecture de la vie de Le Nobletz (2) lui apprendra à « mépriser le monde et à se mettre en tout au-dessus du respect humain ».
L’année suivante, il commence à aider un étudiant pauvre. Durant la retraite de préparation à la tonsure, il organise sa vie de prière. « On le voit tout d’un coup quitter l’éclat et les manières du siècle pour se revêtir de l’habit et de la simplicité des ecclésiastiques les plus réformés. » Il entre dans une période de grande consolation spirituelle durant laquelle il demande deux fois par jour à Dieu de « connaître et d’exécuter sa sainte volonté ».
À la fin de l’été, il refuse de suivre Grignion de Montfort qui vient lui demander de s’engager avec lui pour mener des missions dans les campagnes de l’ouest de la France. Il a le projet d’aider des étudiants pauvres à se former pour devenir prêtres. « Il me semble que c’est ce que Dieu demande de moi et j’ai été confirmé dans cette pensée par des personnes éclairées dont quelqu’un m’a fait espérer de m’aider pour pourvoir à leur subsistance. »
Quelques semaines plus tard, il loue un local où il loge « 4 ou 5 pauvres écoliers ». C’est à partir de sa grande disponibilité intérieure aux appels de l’Esprit que sa vie se détermine désormais. Cela ne le dispense pas des ruptures, des renoncements ni des crises nécessaires. Mais apparaissent aussi les fruits : une liberté réelle par rapport à sa famille, à son milieu social, aux usages du monde, par rapport à ses amitiés aussi. Si, dans ce cheminement, tout part de son expérience spirituelle, il faut noter cependant que sa fidélité à Dieu l’ouvre largement aux autres et lui crée des relations et des solidarités nouvelles.
(1) – Assemblée des Amis : groupe de vie évangélique de cette époque.
(2) – Le Nobletz : prédicateur de missions paroissiales en Bretagne.