Père Chrislain, spiritain en Algérie

Echanger avec le Père Chrislain, c’est sentir l’âme de la Congrégation, ce mélange d’esprit d’aventure missionnaire, d’ouverture et de proximité, cette force de caractère commune à ces hommes qui ont suivi Jésus,  quittant leur pays pour servir en sa présence.

Au cours de discussions passionnantes, en épluchant des légumes à la Rencontre de Taizé Tlemcen ou contemplant la vue de Santa Cruz sur Oran, Chrislain s’est confié. Laissant place aux souvenirs, il a éclairé son chemin de vie. Né  le 8 juin 1975, à Brazzaville, ses premiers liens avec les Spiritains le ramènent à ses 12-13 ans au Congo. Le spiritain François Le Bec l’accompagnait au pupitre pour les lectures à la messe de la paroisse Notre-Dame-de Fatima à Dolisie. Il en apprit davantage sur les Ecritures Saintes, tout en se plaisant naturellement à lire en parallèle Tintin, Buck Danny et Le club des cinq. Vers ses 15 ans, il fit la lecture d’Avec Jésus, qu’est-ce que tu vis? d’André Sève et fut captivé par son message et ce qu’il réveillait en lui. « J’ai gardé des notes dans un petit carnet que j’ai encore et que je relis avec plaisir pour en découvrir sans cesse le sens ».

De l’admiration à la vocation

Accompagnant le Père Le Bec dans quelques excursions aux alentours de Dolisie, il découvrit la baroudeuse attitude des Spiritains! « Un jour, il nous a dit, qu’il comptait sur nous en cas de panne. Comme quoi la liturgie des heures sanctifie tout, même pousser la voiture dans la poussière ou la boue ». Une question restait tapie au fond de lui : « qu’est-ce qui motivait ces hommes à répandre l’Évangile? Qu’est-ce ce qui bouillonnait au fond du cœur de ces gars pour faire des kilomètres et aller causer de Jésus aux villageois en kikongo, avec un accent si drôle! » La découverte de la vie missionnaire communautaire provoquait quelque chose en lui. « Je voulais être prêtre et le dis à mes parents. Pour mon père pas pratiquant, c’était un désir d’enfant, ma mère catholique en fit une intention de prière. »

Un chemin de vie du Congo à l’Algérie

Au lycée à Brazzaville, se posant des questions sur un engagement en paroisse, François Le Bec, lui conseille d’être catéchiste. Puis il entre à l’Université en comptabilité et gestion d’entreprise. « Eh, oui, entre temps j’ai pris des responsabilités, je suis le fils ainé après trois filles. Il ne faut donc pas faire du n’importe quoi de sa vie, me disait-on». Pour subvenir à ses besoins il travaille à la Maison Libermann. « La question du sens à donner à ma vie ne m’avait pas abandonné. Entre l’utile, l’agréable, le nécessaire, l’appel de Dieu me séduisait. Je lisais Le parti de Dieu d’André Frossard.

Il prend la décision de quitter l’Institut Supérieur de Gestion en 1998 pour entrer au postulat spiritain à Brazzaville, puis fait le Grand Séminaire de Libreville au Gabon où il étudie la philosophie. Noviciat au Cameroun, stage de langue au Ghana et 4 ans à la Spiritan International School of Theology  au Nigeria lui ouvrent les yeux sur des réalités africaines bien diverses. Ordonné prêtre le 8 juillet 2006 à la cathédrale du Sacré Coeur à Brazzaville, il reçoit son affectation pour l’Algérie. « Le pays figurait bien dans mes trois propositions, et j’étais bien disposé à partir à l’étranger, un petit esprit « baroudeur, aventurier » aidant! Vivre l’interculturel m’attirait. J’ai passé mon enfance loin de ma région natale et mes parents m’ont éduqué à l’acceptation de l’autre. Mes premières amitiés ont ainsi vu le jour. »

Une mission de présence en terre d’Islam

Pourquoi l’Algérie? « Sans réfléchir, j’ai  longtemps répondu : je vais chercher Dieu ! Mais, toi tu as trouvé Dieu, me disait une amie coopérante au Nigéria, consciente qu’elle avait devant elle un spiritain. Nous nous comprenons : il nous faut sans cesse être en quête de Dieu, qui se laisse trouver en venant Lui-même à notre rencontre. » Ces conversations avec des amis murissaient sa réflexion et éclairaient sa méditation le rendant disponible à partir en Algérie.

Chrislain avec Mgr Georger et prêtres durant messe

« Quand j’entends dire par certains que la mission en Algérie est une mission de présence, je me demande ce qu’ils entendent par là. En fait, on peut penser que présence rime avec passivité. Mais une vraie présence n’est  pas que physique, elle exige l’attention. » Pourtant un des aspects de la mission en Algérie est bien « présence ». « Présence auprès de ce peuple qui nous accueille, y témoignant de la foi chrétienne dans la conviction que la vie ensemble entre musulmans et chrétiens, et dans la paix et la compréhension mutuelle est possible. Présence auprès de nos jeunes frères et sœurs étudiants subsahariens avec qui l’on partage beaucoup : les joies, peines et espérances, ainsi que les défis. Présence auprès des migrants rencontrés au hasard partageant leurs inquiétudes, et un même espoir. Les relations portent des fruits. Je pense à ce monsieur et à son fils rencontrés sur les dunes dans le sud, à ce mieux marchand au marché qui m’appelle son fils, et autres relations fraternelles comme Yacine, jeune sportif, avec qui le partage était si profond. »

Veille, enseignement et réjouissances : une vie riche de sens

 Au jour le jour, la vie est rythmée par des cours de soutien de français et des cours d’anglais. Il gère avec René, Spiritain, Aïcha et Karima, jeunes Algériennes, la bibliothèque paroissiale bien connue des populations de Sidi Bel Abbès sous le nom « La Chapelle ». Il veille à préserver ce cadre de travail et de détente. Aumônier des étudiants chrétiens, à majorité d’origine subsaharienne, il participe à l’animation de la paroisse. Avec un petit groupe de quatre, il vient récemment d’aider à la plantation d’arbres dans une ferme. « C’était une belle occasion de rencontre conviviale, d’échange, de partage d’idées, de blagues. » Il reste en éveil goûtant la joie de Dieu au milieu de son peuple par l’attention aux petits gestes d’amitié, de fraternité peu véhiculés dans les médias.

Et au passage, avec les jeunes et les moins jeunes, il échange sur la société et les événements dans le monde. « Ceci nous permet de tisser des liens au-delà des rapports formels de travail. Bien que nous soyons obligés de faire profil bas dans nos activités, nous avons de bons rapports avec les citoyens de Sidi Bel Abbès à majorité musulmane. »

Il explique ainsi les racines de sa vocation par la fascination de la vie des Spiritains qu’il a rencontrés empreinte de disponibilité, d’engagement, d’attachement à une église locale, à un peuple. Dans la simplicité, la joie partagée en communauté, il témoigne d’une vie faite de services rendus, de prière, en passerelle entre des mondes éloignés. « Si les hésitations n’ont pas manqué, une confiance au fond de moi me guidait et essayait de me rassurer. J’ai avancé, guidé par l’Esprit Saint en répondant à  l’appel d’aller là où l’Eglise trouve difficilement des volontaires. « Réjouissons-nous et dansons aux rythmes de l’harmonie des  différentes cultures pour dire la joie et la paix que nous donne le Seigneur ! »

 Estelle Grenon, juin 2013

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