Olaf, en juillet dernier tu as été ordonné prêtre dans la Congrégation du Saint Esprit, quelles sont tes impressions après quelques semaines ?
La liturgie de l’ordination n’a duré que quelques heures ; mais réaliser que je suis prêtre aujourd’hui, ça prendra un peu plus de temps. Parfois encore, je m’étonne moi-même de présider une messe.
Mais au fond de moi, surtout, je suis très heureux. Non pas dans le sens de dire « enfin, j’ai réussi », mais dans le sens où je regarde autour de moi, et je m’aperçois du chemin fait jusqu’ici, accompagné et porté par tant de personnes sans lesquelles je n’aurais pas osé franchir les étapes. C’est avant tout un sentiment de gratitude qui me remplit. Rien n’est mérité, tout est une grâce.
En fait, je suis toujours le même, c’est-à-dire : mon sacerdoce ne me sépare ni de mes proches, ni de ma propre histoire. J’ai vécu mon ordination plutôt comme une continuation que comme une rupture.
Tu t’apprêtes à partir en mission en Centrafrique, un pays que tu connais déjà bien. Qu’est-ce qui t’a décidé, à l’époque, à t’engager dans la mission non plus comme laïc mais comme religieux spiritain ?
Arrivé en RCA, je me suis tout de suite senti « chez moi » dans l’Eglise locale. Ma relation avec Dieu s’est approfondie, elle est devenue plus quotidienne, plus évidente, plus vivante. Lors des tournées en brousse – au boulot pendant la journée, en regardant les étoiles la nuit – je me suis su accompagné par Celui qui a dit « désormais, je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis ».
Je me suis rendu compte de ce qui compte vraiment dans la vie. Et ce qui est superflu. C’est là que je me suis dit : pourquoi ne pas en faire un projet de vie ?
Que veut dire pour toi « évangéliser les pauvres » (RVS* 4) ?
J’aimerais répondre en commençant par une négation : « évangéliser », ce n’est pas « recruter ».
Evangéliser les pauvres, pour moi, c’est ouvrir de larges horizons à des gens qui souffrent de toute sorte d’oppression. C’est libérer les hommes et les femmes enfermés dans ce qui les empêche de vivre pleinement : la pauvreté matérielle, la sécheresse spirituelle, la violence, la méfiance, l’exclusion, le manque de perspective. Rendre l’espoir à l’homme.
Un chemin concret, c’est l’engagement pour la justice, la paix et la sauvegarde de la Création. Et ainsi rendre témoignage du Christ ressuscité, vivant parmi nous dans Sa Parole et Ses sacrements.
Que retiens-tu de tes années de formation à la vie religieuse et à la prêtrise ?
J’ai eu la chance de vivre dans une communauté très internationale. Chacun a apporté ses dons et ses talents, cela a été une expérience très encourageante pour moi.
Mais cela a aussi été une école des défis de la vie communautaire. Etant tous spiritains et vivant tous selon la même règle de vie, il y avait quand même des façons différentes de la mettre en pratique. Ainsi j’ai appris que, d’un côté, je n’étais pas « le nombril du monde », mais que de l’autre côté, il fallait aussi oser défendre ses points de vue.
Et encore, ce que je retiens de très positif, c’est notre hospitalité vécue en tant que communauté.
Quelles seront tes priorités dans ta nouvelle mission là-bas ?
Récemment a eu lieu le chapitre de la Province de Centrafrique. Les confrères ont défini quatre points comme priorités missionnaires dans ce pays si éprouvé :
1) la justice, la paix et la sauvegarde de la Création, 2) les petites communautés ecclésiales de base, 3) l’éducation, 4) la santé.
J’imagine que ce sera aussi nos priorités à la paroisse de Mobaye, qui nous est confiée.
A part la pastorale paroissiale, j’ai quand même une certaine affinité avec le quatrième point, la santé. Et j’espère que, dans la mesure du possible, je pourrai de nouveau exercer un peu ma première profession d’infirmier.
Une figure marquante qui t’inspire ?
De l’histoire :
- St Martin de Porres, au 16ème siècle, frère dominicain et infirmier au Pérou
- Janusz Korczak, au 20ème siècle, médecin et pédagogue juif, tué à Auschwitz
De nos jours :
- le Pape François, tout simplement
Un message à faire passer ?
Plutôt une prière, si je peux (de Bernhard Meuser) :
Seigneur,
Que ce serait bon de me retrouver, un jour, debout devant toi,
Avec les mains sales.
Tu me dirais :
« C’est bien.
Tu t’es impliqué. Tu as pris les choses en mains.
Tu as aussi fait des erreurs,
Tu as blessé, tu as détruit.
Mais tu n’es pas resté les bras croisés.
Tu me les rends – usés ! »
Propos recueillis par Mathieu Boulanger, Cssp
* RVS : Règle de Vie Spiritaine