Benjamin Osio a été récemment ordonné prêtre spiritain pour la Mission d’Haïti. Prenons le temps avec lui de découvrir son cheminement, ce qui l’a attiré vers la Congrégation, ce qui le fait vivre aujourd’hui, et quels conseils il donnerait à un jeune adulte curieux de la vie religieuse missionnaire.
Je m’appelle Benjamin Osio, je suis français, né à Lyon. J’ai 41 ans. Architecte de formation, je suis entré chez les spiritains après quelques années de vie professionnelle, en 2002. J’ai prononcé mes 1ers vœux en 2007 et ai fait ma profession religieuse définitive en 2014 avant d’être ordonné diacre la même année. Envoyé en stage diaconal en Haïti, je m’apprête à y retourner bientôt comme prêtre spiritain.
Comment as-tu connu les spiritains ? Quelles ont été tes premières impressions ?
J’ai rencontré les spiritains à Bordeaux, alors que j’y travaillais comme architecte. J’avais déjà fait un chemin de discernement en Eglise. Un désir de servir le Seigneur et mes frères et sœurs à travers toute ma vie m’a conduit à m’orienter vers la vie religieuse apostolique. C’est alors que je croisais la route des spiritains, habitant, sans l’avoir prévu, près de leur communauté. Je m’y arrêtais de temps en temps et y fus toujours accueilli avec chaleur et simplicité. Un missionnaire âgé me parlait de son expérience et de la mission en Afrique. Il me parlait aussi du Père Libermann, de sa vie faite de combats, de docilité à l’Esprit-Saint et d’espérance, tournée non vers lui-même mais vers les plus démunis auxquels il s’identifiait naturellement. La congrégation s’apprêtait alors à célébrer ses 300 ans d’existence. Je n’ai pas cherché ailleurs, j’ai été comme saisi par cet élan missionnaire, toujours vivant dans les spiritains que je voyais et les jeunes qu’ils accompagnaient. Ils dégageaient une certaine joie de vivre et une simplicité évangélique. Cela a été pour moi un signe fondateur.
Quel est ton lien actuel avec la Famille Spiritaine ? Comment en es-tu arrivé là ?
Spiritain profès, je suis actuellement pleinement engagé dans la mission. Le parcours de formation ne fut pourtant pas facile pour moi. Cela m’a demandé beaucoup d’efforts, de confiance en Dieu et en mes frères pour vivre de longues années d’études et de stages (en Tanzanie, au Congo puis en Haïti). Lorsque l’on a déjà une expérience de vie et d’indépendance, entrer dans la vie religieuse est un peu comme un nouveau départ… pas évident ! Mais si j’étais parfois en doute, je crois que le Seigneur, s’il en est l’inspiration, ne peut pas se tromper dans son appel. Je me répète souvent ce que le Père Libermann disait : « C’est Jésus qui vit dans ses envoyés… notre mission est la sienne… » Cela m’a aidé et m’aide encore aujourd’hui.
D’après toi, quelle est la mission des spiritains en France aujourd’hui ?
Au sein de l’Eglise et comme elle, la Province spiritaine de France est à un tournant de son histoire. Elle vit dans un monde sécularisé, où la référence spirituelle n’est plus évidente, où les missionnaires perdent en visibilité et en attrait. Mais je crois que le Seigneur vit cela avec nous et qu’il ne nous abandonne pas. Nous sommes un peu comme aux premiers temps de l’Eglise, lorsqu’elle n’était pas connue et pas toujours acceptée. Nous sommes poussés à revenir à l’essentiel de l’Evangile, à la simplicité, à la prière, à l’accueil de tous, en nous dépouillant de certains aspects extérieurs qui ne correspondent plus aux mentalités contemporaines. Les spiritains ont ici un rôle à tenir, car ils entretiennent depuis plus de trois siècles ces valeurs évangéliques universelles, à travers leurs expériences dans différentes cultures qui les ont toujours conduits à s’adapter à toutes sortes de situations. Le christianisme est né en temps de crise, et il est appelé à tenir toujours allumée la lampe de l’espérance, car elle éclaire dans la nuit et montre le chemin.
Quelle part prends-tu à cette mission ? Pourquoi partir en Haïti quand les besoins en France sont importants ?
J’essaie moi aussi de porter humblement cette flamme de la foi, en voulant montrer que l’Evangile n’est pas d’abord une religion culturelle, faite de rites et de principes, mais un chemin d’espérance, de justice et de paix, ouvert par un homme vivant venu de Dieu, Jésus.
Notre Congrégation a pour mission d’en témoigner partout et de signifier, par la diversité de ses membres, de ses amis et de ses lieux d’implantation, que l’Evangile est le même pour tous, que les peuples sont appelés à l’unité et à l’enrichissement mutuel par leurs différences. Ma présence en Haïti, où j’ai été envoyé, s’inscrit dans cette optique.
Que vas-tu faire en Haïti ?
Je vais probablement être affecté dans une école tenue par la Congrégation à Port-au-Prince : le Petit Séminaire Collège Saint Martial. Je vais être engagé dans la pastorale des élèves. Nous misons non seulement sur la formation intellectuelle, mais sur le développement intégral des jeunes qui nous sont confiés : l’esprit, le corps et le cœur, pour leur donner toutes les chances de s’investir dans la société et de la faire grandir en humanité. Je collabore aussi au projet de reconstruction de cette école, qui a été presque totalement détruite par le séisme qui a frappé la capitale et sa région le 12 janvier 2010.
Mais peut-être qu’au-delà de ces engagements concrets, le plus important est d’être présent au milieu de ce peuple qui m’accueille, de partager ses joies et ses peines et de vivre moi-même de l’Evangile.
Quelle partie du charisme spiritain t’inspire davantage ?
Quand j’ai reçu la foi et ai rencontré les spiritains, ce fut comme une impression d’ouverture aux dimensions infinies. Les spiritains vivent en actes l’universalité de l’Evangile et de l’Eglise, ils sont ouverts au monde dans sa diversité. Notre charisme est fondé sur l’amour inconditionnel de Dieu pour tous. Il nous entraîne à nous ouvrir prioritairement aux plus démunis, qui sont privés de parole et de droits, blessant le monde dans sa chair et Dieu dans son être. En vivant en communautés internationales, en vivant parmi les peuples les plus divers et les plus nécessiteux, nous resserrons les liens de fraternité et de dignité que l’injustice a distendus. Cet aspect de notre charisme m’inspire au quotidien.
Que dirais-tu à un jeune adulte curieux de découvrir la famille spiritaine ?
Qu’il se laisse guider par se premières impressions, qu’il avance en confiance s’il sent que l’Esprit-saint l’y invite. Qu’il rencontre des spiritains, des associés, qu’il se laisse rejoindre par les autres différents, qu’il expérimente le service du prochain en donnant de lui-même. Qu’il lise quelques lignes du Père Libermann, qu’il se confie à lui, qu’il se confie à Dieu. Il fera ainsi son chemin, quel qu’il soit, et trouvera la paix et la joie du cœur. Qu’il sache aussi qu’il pourra apporter beaucoup de lui-même car les spiritains ont besoin de nouveauté pour témoigner de la présence de Dieu dans le monde d’aujourd’hui et de demain.