Assis Tavares, jeune spiritain originaire du Cap-Vert, a été envoyé en mission au Brésil. Il a fait ses études de théologie et son année diaconale en France, c’est pourquoi nous le connaissons bien. L’original en portugais de cet article est tiré du blog de Lucas Duarte, jeune spiritain du Brésil. Le post n’est pas récent, mais toujours d’actualité, c’est pourquoi nous avons pensé utile de le proposer ici.
« Un jour, un confrère spiritain est apparu à l’ITESP (Institut de Théologie de São Paulo). Il n’était là ni pour participer à un colloque, ni pour visiter la bibliothèque, comme c’est l’habitude pour ceux qui visitent cette université. Je l’ai rencontré par hasard ! Je ne suis même pas sûr qu’il sache que l’Institut de Théologie est là-bas. Cette rencontre était en fait une rencontre vocationnelle. Pas dans les termes auxquels nous sommes habitués, mais vocationnel dans le sens d’une rencontre où nous pouvons sentir que nos choix de vie valent la peine, et qu’ils nous mènent sur un chemin d’accomplissement.
Bref, tous les mardis, ce confrère s’habille en éboueur pour aller trier les poubelles et collecter ce qui est recyclable. Il met vraiment les mains à la pâte. Il est arrivé quand nous étions à notre pause-café, en train de discuter dans la cour. Je l’ai reconnu de loin et l’ai invité à nous rejoindre. Il a accepté, mais pas longtemps, car il était pressé. Il devait aller trier les poubelles dans un institut voisin. « Pardon ?! Un prêtre-éboueur ?! Celui-là, tout sale, comment peut-il être prêtre ?! La dignité sacerdotale, où est-elle ? »
Mon Dieu ! Maintenant tout fait sens, les paroles de François et du plan d’Animation Missionnaire prennent sens pour moi. Vous savez, cette histoire du pasteur qui « porte l’odeur des brebis » ? Je n’imaginais pas qu’il s’agissait de l’odeur des poubelles. Et cet autre mot sur « les travailleurs dociles au service du Royaume » ? Je n’aurais jamais cru que le travail serait aussi de trier les poubelles. « Mais… pourquoi ? Il ne peut en être ainsi. Personne n’étudie presque une décennie pour devenir éboueur. Je suis missionnaire. Je me suis préparé pour évangéliser ».
En fait, notre rencontre était tout à fait naturelle, pour moi ça n’avait rien d’extraordinaire car je savais déjà qu’il faisait ce travail. Cependant, en discutant avec des collègues de la faculté à son sujet, mes yeux se mirent à briller et mon cœur était tout brûlant : Il est spiritain ! C’est mon frère !
Donc, toute cette histoire dit ce que c’est qu’être spiritain. Accomplir la mission qui nous est confiée. Il a été demandé à notre frère Assis d’accompagner la population des bidonvilles de la région de Vila Prudente (São Paulo), où il y a une coopérative de recyclage. C’est pour cela qu’il trie les ordures. Cela ne veut pas dire que tous les spiritains sont des éboueurs, mais que comme spiritains, nous sommes appelés à faire nôtre l’option pour les pauvres (RVS 4) à la suite de Poullart des Places et de François Libermann (1802-1852) :
Ne jugez pas à au premier coup d’œil ; ne jugez pas d’après ce que vous avez vu en Europe, d’après ce à quoi vous avez été habitués en Europe, dépouillez-vous de l’Europe, de ses mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres [esclaves] avec les nègres, et vous les jugerez comme ils doivent être jugés; faites-vous nègres avec les nègres (…) (1847)
Nha armum (mon frère, en créole portugais du Cap Vert) se fait brésilien avec les brésiliens, éboueur avec les éboueurs, en se dépouillant de l’Afrique et de l’Europe. En étant simplement lui-même. Celui qui a des yeux, qu’il voie ! »