Tous différents, tous complémentaires : il y a une diversité de façons d’être spiritain. Si les « frères » sont aujourd’hui minoritaires dans la congrégation, la complémentarité entre laïcs et prêtres dans une même vocation religieuse et missionnaire est pourtant essentielle à la lisibilité du charisme spiritain et à la fécondité de notre apostolat. Mathieu, qui s’apprête à s’engager définitivement dans la congrégation comme frère, nous partage sa réflexion.
Il y a souvent plusieurs « accroches » dans un parcours vocationnel : une quête existentielle, la rencontre de personnes inspirantes, une expérience de vie qui interroge, une attirance particulière, souvent des expériences fortes de rencontre de Dieu dans la prière, etc. Et il y a de la même façon plusieurs « portes d’entrée » pour rejoindre la congrégation, qui souvent se rejoignent au bout d’un certain temps et deviennent un ensemble cohérent : l’appel à la mission ad extra, à la prêtrise, à la vie religieuse en communauté, au service des pauvres… Dans mon cas, ce fut la vie religieuse qui s’imposa progressivement comme la mise en musique des éléments fondamentaux sur lesquels je voulais m’appuyer dans ma recherche de Dieu : vie fraternelle en communauté, sobriété de vie, solidarité universelle, prière. On me demande souvent pourquoi je ne veux pas être prêtre… mais il n’y a pas de réponse à cette question ! A chacun de suivre ce que Dieu lui souffle au plus profond de son cœur et de sa volonté.
Quand un jeune se pose la question de la vie religieuse et missionnaire et qu’il approche la congrégation, celle-ci lui renvoie en effet souvent l’image d’un institut de prêtres, et beaucoup ont du mal à imaginer qu’il n’est pas nécessaire d’être prêtre pour être Spiritain. On peut être missionnaire et/ou religieux sans être ordonné. Il y a en effet dans l’inconscient collectif de beaucoup de chrétiens une méconnaissance de la diversité des vocations ecclésiales : non, un jeune homme n’est pas obligé de choisir entre mariage et prêtrise, d’autres voies sont possibles. Il ne s’agit absolument pas de mettre de côté la vocation presbytérale, mais il me semble en même temps important d’insister sur ce qui forme le cœur du charisme spiritain et qui donnera les moyens à la Congrégation, avec l’aide du St Esprit, de poursuivre son œuvre évangélisatrice malgré les vents contraires : c’est la vie religieuse en communauté, le partage des biens, le témoignage d’un vivre-ensemble entre cultures et ethnies différentes, la volonté de former « un seul cœur et une seule âme » à la manière de l’idéal des premiers chrétiens. Idéal bien exigeant et toujours à construire certes, mais qui est au cœur de notre vocation commune à la suite du Christ.
Religieux frère et religieux prêtre, quelle différence ?
Au contraire des Spiritains prêtres qui articulent une double vocation, religieuse et presbytérale, les frères spiritains « laïcs » comme moi n’ont d’autre vocation que celle de la vie religieuse missionnaire, partagée avec leurs confrères prêtres. Si la compréhension de cette vocation (pas toujours perçue comme commune) a largement évolué au fil du temps, quelques ambiguïtés demeurent, malgré toute la meilleure volonté, et j’en ai aussi été témoin : pour éviter la dévalorisation – héritage historique ! –, on en vient parfois à distinguer excessivement une vocation vue comme « particulière » et restreinte à une certaine catégorie d’activités, essentiellement manuelles, où on valorisera un talent spécifique. A l’inverse, certains vont vouloir « cléricaliser » les frères : comme pour l’ensemble du peuple de Dieu, c’est certes une bonne chose que les religieux frères se forment en théologie, enseignent le catéchisme, etc., mais ce n’est pas non plus une condition sine qua non de leur engagement religieux.
Les Spiritains que l’on appelle « frères » ne sont évidemment pas moins spiritains ni plus frères que leurs confrères « pères » et la complémentarité, loin d’être dans le « faire », est beaucoup plus à chercher, à mon avis, du côté de notre charisme et de notre fraternité commune.
Une mission commune, une fraternité commune
La Règle de Vie Spiritaine est la même pour tous. Ses premiers chapitres, traitant des aspects essentiels de la vocation, de la mission, de notre vie religieuse, ne font pas de distinction entre Spiritains prêtres ou frères. Le dernier chapitre général (Bagamoyo 2012) résume de façon limpide cette question de l’identité spiritaine qui est avant tout religieuse, et donc communautaire et fraternelle, et se vit dans la complémentarité des charismes :
« Nous sommes une communauté de frères pourvus de charismes variés, dans des fonctions et des œuvres diverses. Nous aspirons à vivre de façon simple et transparente, dans un style prophétique. La vie communautaire construit notre identité ; elle est le plus puissant symbole de ce que nous sommes. Elle constitue notre manière de vivre la mission. Nous vivons, prions, travaillons, évaluons ensemble et partageons toutes choses les uns avec les autres ».
Mathieu Boulanger CSSp
NB : ce texte est issu d’un article plus approfondi sur la question de la vie religieuse dans la Congrégation, qui a été publié dans la revue Spiritus de juin 2017. Cet article faisait suite à la publication par le Vatican d’un texte sur « Identité et mission des religieux frères dans l’Eglise« .