Dernières nouvelles d’Iligan (Philippines)

Voilà un peu plus d’un an que cette aventure a commencé… malheureusement, elle est sur le point de se terminer plus tôt que prévue. L’ambassade de France a émis un avis défavorable à mon maintien à Iligan pour des raisons de sécurité.

Mais avant d’en arriver là, revenons 6 mois en arrière. Dans ma dernière lettre je parlais des élections. Je pense que vous avez eu quelques échos du nouveau président, Rodrigo Duterte, de son combat contre la drogue, son langage, et ses prises de positions inattendues. Le maire d’Iligan qui était en prison a été réélu, et … il est toujours en prison !

Dans mon coin, on continue cependant à essayer de développer nos projets. J’ai eu la ‘joie’ de mettre à jour les statuts de l’association, déclarer ses impôts, etc. et donc de me frotter de plus prêt à l’administration philippine, un régal ! C’est tellement désordonné, les procédures et formulaires qui changent toutes les semaines… et de vraies incitations à la corruption pour s’épargner ces tracas. Maintenant je trouve cela amusant mais sur le coup, on s’arrache les cheveux !

Très fier de nos nouveaux étudiants !

Mais ce qui est marquant c’est la capacité du pays à changer. Dans le système éducatif par exemple, ils viennent de rajouter l’équivalent de 2 ans de lycée, comme ça d’un coup ! Avant, les philippins finissaient le lycée à 16 ans avant d’intégrer l’université, ce qui est un peu jeune. En ajoutant ces 2 années, leur système se rapproche de ce qu’on peut avoir en Europe ce qui n’est pas aberrant pour les échanges universitaires. Mais en le faisant d’un coup comme ça, ils imposent aux lycée la construction de nouveaux bâtiments, recrutement de nouveaux professeurs, élaboration de nouveaux programmes, et les universités devront se priver de nouveaux élèves pour les 2 ans à venir… De plus ces 2 années sont censées être professionnalisant, afin de donner des connaissances pratiques aux nombreuses personnes qui ne peuvent se permettre d’aller à l’université. L’idée est bonne mais dans les montagnes, les écoles ne peuvent pas proposer beaucoup de spécialités. Et c’était notre souci car nous avons eu 3 étudiants dans ce cas. Je ne détaille pas plus les tracas administratifs d’inscription, de compréhension du nouveau système (je ne crois pas que ce soit encore très clair pour le Department of Education :p), au final ils ont pu intégrer une très bonne école et ils s’en sortent très bien !

On a pu mettre sur pied un nouveau partenariat aussi avec l’université d’Iligan. J’en suis très content car il est très proche de ce que j’imaginais. L’idée est d’inciter les étudiants (futurs élites) à aller à la rencontre des populations pauvres et chercher à utiliser leurs compétences pour améliorer leurs conditions de vie. On a eu ce partenariat avec l’université de médecine qui était un franc succès, là je me suis orienté vers l’école d’ingénieur et plus particulièrement du département Génie Electrique, car j’avais en tête l’accès à l’électricité pour les populations reculées via les énergies renouvelables. Et on a pu monter une équipe hétéroclite composée de 3 étudiants en génie électrique, 2 en mécanique, une sociologue et un étudiant en école de commerce. Leur objectif est de concevoir un produit qui améliorera les conditions de vie d’une population reculée et qui puisse être déployé à d’autres populations (business model) en un an.

L’équipe est super, on a choisi d’aller loin dans les montagnes, à Sapang Blue. Une heure de motobrousse, 2 heure de rando avant de rejoindre ces habitants qui nous ont reçu comme des rois ! Cette visite était fantastique tant pour les échanges qu’on a eu, mais aussi la joie de voir le regard qui change, celui des étudiants, celui des habitants, et le mien aussi ! Et au détour d’un chemin on est tombé sur cette cascade magnifique, la nature est belle !

C’est à ce moment que l’ambassade a commencé à s’inquiéter… La manière de gouverner du nouveau président amène des questions sur la stabilité politique du pays. Davao, la plus grosse ville de Mindanao a subi un gros attentat à la bombe faisant 80 morts, et à Iligan, les enlèvements et menaces d’attentat ont augmenté aussi. Bien que frustrante car j’étais au beau milieu de ma mission, la décision est justifiée.

J’ai été transféré à Talisay, au sud de Cebu, car c’est le seul endroit où potentiellement les spiritains auraient pu avoir besoin d’un volontaire. Je me suis installé dans la nouvelle maison où j’avais travaillé en début d’année. Les conditions de vie, à l’entrée du bidonville, sont plus difficiles. Là, le père Martin a essayé de m’intégrer à ses projets, dans un programme d’aide aux enfants des rues dans Cebu et en vue du développement des activités à Talisay. J’ai eu de beaux moments à la rencontre de ces jeunes, mais aussi de nos voisins qu’on a été visiter avec un petit groupe de jeunes bénévoles.

Malheureusement, malgré nos efforts, il est encore trop tôt pour que le père ait réellement besoin d’un volontaire, il souhaite dans un premier temps vivre simplement avec la communauté afin de se faire intégrer et d’ici un an ou 2, commencer les activités sociales en connaissant leurs besoins.

Après discussion avec la DCC, tentative de renégociation avec l’ambassade pour que je puisse revenir à Iligan, on s’est rendu compte qu’il était plus raisonnable de mettre fin à ma coopération avec les spiritains. Un peu dure comme décision, heureusement tant la DCC que les spiritains m’ont encouragé à voir ce qui a déjà pu être fait et je suis vraiment très heureux de cette belle expérience !

Avant de rentrer, je fêterai Noël ici, et prendrai quelques jours de tourisme aussi…

Humbert

Les magnifiques rizières en terrasses de Batad (nord des Philippines)

 

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