Le terme « fragile » est devenu un lieu commun de notre vocabulaire spiritain au cours des dernières années. Nous parlons volontiers dans la Congrégation de « circonscriptions fragiles », de « communautés fragiles » et même de « confrères fragiles » ! La congrégation a connu « bien des moments de faiblesse au cours de son histoire ». L’expérience de notre pauvreté et faiblesse nous appelle à revenir aux « valeurs fondamentales de l’Évangile, le besoin d’authenticité et d’intégrité dans nos vies, l’exigence de responsabilité et de transparence dans nos rapports avec autrui, et l’appel à une conversion continue, tant de l’institution que des individus ». Lettre du Supérieur Général pour la Pentecôte 2014.
Dans les nombreuses épreuves de sa vie, Libermann a trouvé dans la confiance en Dieu la force de continuer. C’était déjà le cas lors de sa crise religieuse à Metz. Le lien au Dieu de ses Pères lui a permis de surmonter l’épreuve et de faire le passage à la foi chrétienne. De Rome il écrit à M. Dupont : « Je conçois qu’un homme qui se croit quelque chose et compte sur ses forces peut s’arrêter devant un obstacle ; mais quand on ne compte que sur Notre adorable Maître, quelle difficulté peut-on craindre ? (N. D.II, 171, 2 mars 1840).
En ce temps-là, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous. » Il leur dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Ils lui répondirent : « Donne-nous de siéger, Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean. Jésus les appela et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. » Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. »
Le Maître s’est trouvé face à des disciples bien fragiles aussi. Lui cherche à les préparer à l’épreuve qui les attend et eux rêvent « d’une gloire où ils trôneraient ». Leurs motivations sont bien mêlées. Qu’y a-t-il donc de si impossible à écouter ? Jésus ne décourage pas leur désir de réussir qui est aussi force de vie en eux ; il le corrige. Peu à peu il les conduit à correspondre à ce qui est juste et bon pour eux et à trouver leur force dans l’épreuve, grâce à la certitude d’être en communion avec lui.
Lettre à la communauté de Bourbon (25 février 1844, N.D. VI, 73,76)
Les commencements de la Société du Saint-Cœur de Marie sont bien incertains mais Libermann n’est pas découragé pour autant. Il a l’audace et le courage de risquer lorsqu’il sent que l’Esprit l’y appelle.
Le meilleur exemple de cette attitude est sa décision d’accepter la mission des deux Guinées. La fondation était encore bien fragile, avec peu de membres ; lui-même ne connaissait rien de l’Afrique et de « cette vaste mission toute nouvelle qui s’étendait sur 8000 km de côte ». Mais quand Mgr Barron lui demande de se joindre à lui, il comprit qu’il ne fallait pas hésiter, que c’était le « moment de Dieu » et accepta la proposition. Face aux critiques des confrères de Bourbon, il explique son choix et révèle sa détermination et sa largesse de vue dans son engagement.
« La mission de Guinée est une des plus importantes de toutes ; le nombre des âmes à y sauver est immense… c’est ce qu’il fallait pour établir la Congrégation… réduits à Bourbon, nous resterions ce que nous sommes et dans dix ans, il ne serait plus question de nous parce que personne ne se joindra à nous… sans doute notre confiance doit être en Dieu seul ; mais si la divine bonté nous offre le moyen de le servir grandement et de nous établir pourquoi refuser ? Ne serait-ce pas lui manquer ? (…)
Ne faites pas ce mauvais raisonnement : qu’il faut d’abord aller au certain avant d’embrasser l’incertain. Si saint Paul avait raisonné ainsi, il n’aurait pas fait tant de choses pour la gloire de Dieu. Il faut que nous travaillions, dans l’ordre de choses où nous sommes, à la dilatation de l’Église… Nous devons être généreux et ne pas tant trembler pour le bien de notre petite congrégation. Ne pas faire d’imprudences, ne pas nous laisser entraîner à des imaginations sans raison ; mais ne pas vouloir le succès assuré avant de commencer. Si nous ne sommes pas entièrement dévoués au service de Jésus-Christ dans son Église, et prêts à tout sacrifier, ce n’était pas la peine de nous réunir ».
Nous apportons-nous encouragement et soutien moral les uns aux autres ?
Nous donnons-nous des moments de relecture et de révision de notre vie ensemble en vue d’une « conversion continue » ?
Prière à partir de la fin de la lettre du P. Libermann à la Mère Javouhey du 22.07.1844, après les premières mauvaises nouvelles des missionnaires de Guinée :
Nous prions ensemble, Père : que ta volonté s’accomplisse ; aide-nous à faire tout ce qui dépend de nous pour ta gloire et le salut des hommes ; agrandis nos désirs, fortifie-nous contre les difficultés ; garde-nous dans ta paix, si le succès de nos projets se fait attendre ; Donne-nous de ne pas vouloir le bien plus que tu ne le veux, ni autrement que tu ne le veux . Après avoir fait tout ce que nous devions faire, nous nous reposons sur toi seul pour le succès et sommes contents, quoi qu’il arrive. Amen |